Après avoir espéré vainement pendant des années que la Mode des Bao débarque à Paris, j’ai aujourd’hui l’impression d’être face à un déferlement frénétique de nouvelles adresses spécialisées. Avec Siseng, Ito Chan, Huabu et d’autres que j’oublie à dessein, la machine était déjà bien lancée mais, manifestement, elle n’a pas prévu de s’arrêter de sitôt. À peine de retour de Londres où le phénomène est établi depuis un bon moment et où des établissements comme BAO et Flesh & Buns font un véritable malheur, je suis allé satisfaire mon insatiable gourmandise du côté du Canal Saint-Martin au tout nouveau restaurant SAaM. Ouvert par la même équipe que Ma Kitchen située non loin de là, SAaM se propose de revisiter le Gua Bao taïwanais à la sauce coréenne.
Premières Impressions :
Rue de Lancry, SAaM s’est installé dans l’antre de la coolitude parisienne. Alors que je cherche désespéramment une place de stationnement avec ma polluante voiture façon parisien du siècle dernier, d’autres se baladent en maillot de bain, s’éclatent en trottinette ou sirotent du vin pétillant dans des chaises de plage. Les tracas et les convenances de la vie semblent n’avoir d’emprise sur personne. J’en viens moi-même à me demander si je ne ferai pas mieux de troquer mes richelieus mal cirées pour des tongs à fleurs et ma charrette à pétrole pour un Vélib déglingué, c’est dire !
C’est ce même esprit que l’on retrouve chez SAaM. Une devanture dépouillée de tous artifices et déployée au tout-venant, une décoration faussement négligée mettant en scène d’adorables accessoires colorés, un personnel à la sérénité à toute épreuve, SAaM a incontestablement su prendre le pouls du quartier et le succès est déjà presque assuré.
La salle compte une vingtaine de couverts plutôt bien espacés pour ce genre d’endroit. La cuisine entièrement ouverte à la vue des clients, les immenses bocaux de detox water et de légumes en saumure, les charmants napperons vintage, on se croirait à la maison à la différence que derrière le plan de travail s’affaire une équipe extrêmement studieuse passée maître dans le dressage de buns.
La Carte :
Après seulement quelques semaines d’exercice, SAaM placarde logiquement une carte du soir écourtée où le Bun est de loin la grande vedette. Bun VG Tofu, Bun Dak, Bun Bulkogi, les énoncés vous transportent illico presto en Asie. Les ingrédients sont à prédominance coréenne mais pas seulement. Au milieu des Kochujang et autres Kimchi, l’évocation du Pork Belly ou de la sauce Hoisin nous rappelle que ces pains fourrés et cuits à la vapeur sont bel et bien d’origine chinoise. Tous sont affichés au prix unique de 7.5 €. Conscient qu’un unique bun ne peut conduire à la satiété, il existe des formules plus avantageuses permettant de s’offrir 3 généreux buns pour moins de 20 €.
Le Repas :
J’attaque avec le Bun Pork Belly que je considère comme le classique de cette bande de buns revisités. On pourrait d’abord se demander ce qui fait que des cuisiniers coréens reprennent à leur compte une spécialité taïwanaise. Soyons clair, le modeste pain vapeur en forme de mâchoire que l’on grignotait historiquement sur les marchés de Taipei est aujourd’hui devenu l’un des plus puissants ambassadeurs de la world food. À travers le monde, le Gua Bao est dorénavant cuisiné à toutes les sauces, vietnamienne, japonaise, thaïlandaise et bien sûr coréenne. Étrangement, ce sont les réinterprétations chinoises qui sont les moins nombreuses. À croire que les cuisiniers chinois se sentent dépossédés de leur propre recette. Pour faire le lien avec la cuisine coréenne traditionnelle, précisons que cette dernière propose elle aussi sa version du Baozi chinois. On parle alors de Wang Mandu 왕만두.
Le Bun Pork Belly de chez SAaM est particulièrement appétissant. À l’intérieur d’un pain de bonne facture parfaitement moelleux se cache un arc-en-ciel d’ingrédients. La recette élaborée est proche de la version traditionnelle avec de la poitrine de porc braisée, du concombre, de la coriandre et de la poudre de cacahuètes. La principale spécificité de ce Bun est l’ajout de pickles d’oignons rouges. Ils électrisent chaque bouchée et contrebalancent bien le côté gras et sucré de l’ensemble. Côté sauce, le mélange sauce hoison, shiso et prune salé fonctionne à merveille. Le porc est assez réussi mais mériterait d’être poussé en caramélisation pour qu’il apporte davantage de mâche et de saveur. Je pinaille mais j’ai vraiment beaucoup apprécié. Le meilleur Gua Bao de Paris est pour le moment chez SAaM !
J’enchaîne avec le Bun Dak – Poulet frit, panure gingembre, kochujang (pâte de piments rouges fermentés), sésame sauvage, pommes slaw et pickles radis blancs. Ce Bun est celui que j’ai préféré car le Poulet frit était remarquable. Tendre, goûtu et recouvert d’une panure irréprochable, ce poulet atteste d’un travail très soigné. Les condiments jonglent de surcroît entre acidité, sucré et piquant pour un mélange étonnant et détonnant.
Le Bun Bulkogi est celui qui m’a le moins convaincu bien qu’il reste appréciable. Il est généreusement garni mais l’assaisonnement est moins percutant que sur les deux premiers. Le kimchi est discret et n’arrive pas à réveiller ce bun un peu trop consensuel. Même la viande manque de ce côté grillé propre à un bon Bulkogi cuit au barbecue. Gros point positif en revanche avec la profusion d’oignons impeccablement confits.
Au delà des Buns, SAaM propose quelques Sides qui s’apparentent moins à des accompagnements qu’à de petites entrées à partager. Les Kimchi Ball que j’ai choisi sont d’une belle taille. Leurs carapaces dorées les rendent très séduisantes. À la dégustation, j’ai le sentiment de croquer dans un Arancini italien à la différence qu’en fin de bouche on prend un sacré coup de kimchi dans le nez. Difficile de ne pas se laisser aller à une comparaison avec le Cromesquis de Risotto, lait de coco et citronnelle cuisiné par Siseng de l’autre côté du canal. Je dois dire que mon estomac balance sans hésiter vers la boulette d’inspiration thaïlandaise du spécialiste du Bao Burger à Paris.
Bilan :
Faut il y aller ? Vous auriez tord de vous priver des délicieux Buns revisités à la sauce coréenne du SAaM. La cohérence et l’originalité des recettes, le clin d’œil au Gua Bao traditionnel taïwanais, la générosité des garnitures, la qualité du pain et des produits rendent la démarche de ce restaurant tout à fait estimable. SAaM va encore monter en puissance et affiner sa cuisine mais les débuts sont déjà très prometteurs. Foncez !
Avec qui ? En solo pour emporter. Entre amis avant d’aller boire un verre au bord du Canal Saint-Martin.
Y retourner ? J’y compte bien. SAaM annonce déjà de nouvelles propositions à la carte. Je suis curieux de voir comment ils vont se diversifier. Il y a matière à aller plus loin au niveau des accompagnements et des desserts qui sont soit inexistants soit bien peu engageants pour l’instant.
La clientèle ? Du quartier et forcément un nombre significatif d’expatriés coréens bien informés. L’adresse jouit d’une excellente presse. Il faut donc s’attendre à quelques débordements sur les prochains mois comme cela est d’usage dans les établissements dits à la mode.
C’est cher ? Le petit souci avec ces petits pains vapeur est qu’il en faut plusieurs avant d’être pleinement rassasié. Un bon mangeur se satisfera de trois Buns, d’un Side et d’une boisson. Aussi, le ticket moyen grimpera rapidement jusqu’à 30-35 € par personne le soir. En revanche, au déjeuner, les prix sont plus serrés et les buns descendent jusqu’à 6.5 € l’unité voir encore plus bas dans une formule abordable à 12 € comprenant 2 Buns, des Mandoo et du Slaw. En somme, vous ferez une bien meilleure affaire en venant chez SAaM le midi.
Informations :
SAaM
59 bis Rue de Lancry – Paris 10ème
Métro : Jacques Bonsergent
www.facebook.com/SAaM